Cours de sociolinguistique

Quelques définitions de la sociolinguistique

Baylon, 1991

La sociolinguistique a affaire à des phénomènes très variés : les fonctions et les usages du langage dans la société, la maîtrise de la langue, l’analyse du discours, les jugements que les communautés linguistiques portent sur leur(s) langue(s), la planification et la standardisation linguistiques... Elle s’est donné primitivement pour tâche de décrire les différentes variétés qui coexistent au sein d’une communauté linguistique en les mettant en rapport avec les structures sociales ; aujourd’hui, elle englobe pratiquement tout ce qui est étude du langage dans son contexte socioculturel." (p. 35).

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H. Boyer dans Sociolinguistique. Territoire et objets (Delachaux et Niestlé, 1996) :

Il essaye dans l'article introducteur, "Les domaines de la sociolinguistique", pp. 9-34, de préciser comment situer la sociolinguistique par rapport aux disciplines voisines :

"En première approximation, il faut reconnaître que le territoire du sociolinguiste au sein de la "linguistique" conçue comme ensemble disciplinaire est un territoire perméable aux ensembles disciplinaires connexes : anthropologie, psychologie, philosophie, ethnologie, sociologie, histoire... Perméable également aux autres linguistiques : sémiotique et linguistique textuelle (qui s’intéressent à l’organisation et à la cohérence des discours), pragmatique linguistique et analyse conversationnelle (attentives à la structure des échanges et aux interactions qui s’y réalisent), psycholinguistique (qui étudie en particulier les mécanismes psychologiques liés à l’appropriation et à l’utilisation du langage), ethnolinguistique (attachée à décrire toute sortes de langues) et dialectologie (qui s’est donné pour tâche de répertorier la variation géolinguistique en fonction des parlers toujours en vigueur ou des substrats de langues actuelles), sans oublier la sociologie du langage, au sens strict du terme. Cette dernière discipline, du reste, chevauche largement l’un des pôles du domaine, celui de la macro-sociolinguistique. Ce pôle peut être défini comme celui de la sociolinguistique des institutions, de la structure sociale, des types de variations, des pratiques linguistiques de groupes. L’autre pôle, celui de la micro-sociolinguistique, concerne davantage les pratiques "à la base", les enjeux circonscrits à telle pratique de communication, à telle interaction entre deux ou plusieurs interlocuteurs." (pp. 9-10).

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Pierre Dumont et Bruno Maurer, Sociolinguistique du français en Afrique francophone, 1995, pp. 3-4, précisent :

"On peut se demander ainsi ce qu’est la sociolinguistique. Est-elle un croisement de sociologie et de linguistique, forme caractéristique de la pratique des sciences humaines en cette fin de siècle ? Ou est-elle, comme l’affirme W. Labov dans Sociolinguistique, la linguistique ? A cette question, qui suscite encore aujourd’hui de dures controverses, nous essaierons de répondre en exposant les quelques concepts fondateurs de la sociolinguistique, ceux qui marquent sa rupture épistémologique [...].
[...] Dès le Cours de linguistique générale, F. de Saussure reconnaissait à la langue un caractère social indubitable mais condamnait la parole à être exclue du champ d’étude de la linguistique car trop soumise aux variations individuelles. La linguistique structurale, se réclamant de l’héritage saussurien, fit donc de la langue un objet d’étude mais oublia - ou omit volontairement ? - de la considérer dans sa dimension sociale. L’objet linguistique fut réduit aux seuls systèmes linguistiques sans considération des conditions d’emploi de ces systèmes. Cet a priori théorique favorisa l’émergence d’études de type phonologique, syntaxique, et assura le triomphe d’une linguistique de la langue au détriment d’une linguistique de la parole.
La sociolinguistique naît d’un mouvement de bascule du premier vers le second pôle. Les travaux de W. Labov ont fait apparaître l’absolue nécessité de considérer en premier lieu la réalité des productions langagières et non plus des abstractions désincarnées, des constructions savantes qui sont plus le reflet de l’idéologie linguistique du chercheur que de la pratique réelle. la sociolinguistique se propose donc de partir de la parole et, avec elle, du sujet parlant [...]. Ce sujet est alors réinscrit dans un contexte social, celui dans lequel il vit et parle [...]. La linguistique était une science de cabinet, de laboratoire, faisant appel au besoin à des locuteurs idéaux, juges et garants de la norme linguistique, la sociolinguistique se devait d’être une linguistique de terrain. Ses outils étaient et restent le magnétophone, de plus en plus concurrencé par le camescope [...]".

[Conseil : lire toute l’introduction de l'ouvrage.]

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Meillet, Antoine : "L’état actuel des études de linguistique générales", leçon inaugurale au Collège de France (13 février 1906), repris dans Linguistique historique et linguistique générale, Paris, Champion, 1921 (rééd. 1965, p. 17) :

"Du fait que la langue est un fait social il résulte que la linguistique est une science sociale, et le seul élément variable auquel on puisse recourir pour rendre compte du changement linguistique est le changement social."

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Labov, William, Sociolinguistique, Ed. de Minuit, 1976 :

"[...] notre objet d’étude est la structure et l’évolution du langage au sein du contexte social formé par la communauté linguistique. les sujets considérés relèvent du domaine ordinairement appelé "linguistique générale" : phonologie, morphologie, syntaxe et sémantique. Les problèmes théoriques que nous soulèverons appartiennent également à cette catégorie, tels la forme des règles linguistiques, leur combinaison en systèmes, la coexistence de plusieurs systèmes et l’évolution dans le temps de ces règles et de ces systèmes. S’il n’était pas nécessaire de marquer le contraste entre ce travail et l’étude du langage hors de tout contexte social, je dirais volontiers qu’il s’agit là tout simplement de linguistique." (p. 258)

[lire tout ce chapitre : « L’étude de la langue dans son contexte social »]

Définitions de la communauté linguistique

Labov, William, Sociolinguistique, Editions de Minuit, 1976 :

"...il serait faux de concevoir la communauté linguistique comme un ensemble de locuteurs employant les mêmes formes. On la décrit mieux comme étant un groupe qui partage les mêmes normes quant à la langue." (p. 228)"

Enfin, une dernière définition qui se veut récapitulative !

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