Cours de sociolinguistique

Glossaire

Contexte

Le terme de "contexte", utilisé en sociolinguistique ou dans d'autres disciplines, finit par être très largement ambigu. On en résumera ici les principales acceptions.

Classiquement en linguistique, on appelle contexte les formes linguistiques qui entourent l'unité que l'on examine : phonème, morphème, mot, phrase... Ainsi le contexte de "porte" dans "Ouvre la porte !" est "Ouvre la...". On comprend que de ce fait le contexte puisse être lointain ou proche : "la" dans "la porte" est le contexte proche, même immédiat en l'occurrence (c'est le cas souvent des déterminants comme marque de genre par rapport au nom qu'ils déterminent, mais dans "la petite porte", c'est "petite", l'adjectif antéposé, qui constitue le contexte immédiat de "porte"). Certaines marques de genre peuvent être plus éloignées. Ainsi quand on dit "mon armoire est ouverte" : la marque de genre ([t] à l'oral, "e" à l'écrit, est "éloignée" du mot "armoire".

Par opposition au "contexte" (linguistique), on a développé le terme de "situation de discours" pour désigner l'environnement extra-linguistique : le lieu où l'on est, ce que l'on connaît des personnes en train de communiquer, le type de relations qu'elles entretiennent, etc. On comprend bien qu'en sociolinguistique les éléments de la "situation" sont fondamentaux pour comprendre, expliquer, un message : âge des interlocuteurs, statut social, sexe, etc.

Lorsque la situation est explicitée (dite, racontée...) cela implique toujours une extension du contexte. Ainsi "bonjour" est une forme de politesse en situation, dont je peux expliquer les règles d'usage en produisant un message. Ex : "Lorsque je dis 'bonjour' à quelqu'un c'est que je le rencontre pour la première fois. C'est ainsi que je salue mon copain Xavier chaque matin en arrivant à l'université". Le contexte de "bonjour", cette fois-ci très long, tend à expliciter, ou rappeler les règles qu'en situation "le copain de Xavier" pratique sans hésiter. Autrement dit, la situation (implicite) peut être explicitée selon un contexte linguistique long, d'autant plus long que les rapports entre les interlocuteurs sont peu importants : on explicite davantage les données d'une communication, la situation de discours, quand on ne se connaît pas ; tandis que lorsque les relations sont étroites, on n'a presque rien à dire sur la situation qui semble immédiatement claire, qui est sentie, comprise directement.

Ceci étant dit, il convient de se méfier du terme de "contexte" ; selon les théories, selon les linguistes, selon les spécialités, le "mot" recouvrira terminologiquement des réalités qui peuvent être différentes, selon d'ailleurs que l'on utilise ou non le terme "situation" en parallèle pour désigner l'extra-linguistique. Le tableau suivant résumera les principales valeur de ce mot, en fonction de la théorie sous-jacente - ce qui permettra aux étudiants de ne pas confondre les usages, et d'être extrêmement rigoureux quand ils emploieront ce terme.

extralinguistiquelinguistique
"théorie de base"situationcontexte
Labovcontexte extralinguistiquecontexte linguistique
Théories littérairescontextecotexte
environnement impliciteenvironnement explicite

Diglossie

Le terme de diglossie permet de caractériser les situations de communication de sociétés qui recourent à deux codes distincts (deux variétés de langue ou deux langues) pour les échanges quotidiens : certaines circonstances impliquent l'usage de l'un des codes (langue A) à l'exclusion de l'autre (langue B), qui, de façon complémentaire, ne peut servir que dans les situations dans lesquelles la première langue est exclue. Cette définition comporte bien des variations. Il faut souligner que si la plupart des sociétés connaissent d'une certaine façon des situations de diglossie (en France métropolitaine, on peut noter que s'opposent le français utilisé dans les échanges entre amis, pour les courses dans les magasins et le français du cours universitaire ou de la conférence publique), on utilise préférentiellement ce terme pour désigner les sociétés où l'opposition est particulièrement marquée, et souvent renforcée par le recours à deux termes distincts pour désigner les variétés en usage (langue standard/patois par exemple, katharevousa/demotiki en Grèce, français/créole dans la plupart des territoires créolophones). Généralement ces situations sont des situations de conflit entre les langues, l'une des langues (celle qui est utilisée dans les situations de communication considérées comme nobles : écriture, usage formel...) étant alors appelée variété "haute", par opposition à l'autre (celle qui est utilisée dans des circonstances plus familières : conversations entre proches...), considérée comme "basse". C'est à propos de cette seconde variété qu'on entend les locuteurs parfois s'interroger pour savoir s'il s'agit d'une véritable langue.

Double articulation

A la suite d'André Martinet (Eléments de linguistique générale, 1ère éd. 1960), on évoque sous l'expression de double articulation, l'organisation caractéristique de toute langue en unités de deux types :

La redondance

" "Dans toutes les tentatives de passage à l’écrit, le premier souci des linguistes qui interviennent est de codifier dans une stricte correspondance l’oral sous une forme écrite. La fameuse loi de l’API (un son = un signe) n’est que l’un des avatars de ce souci, et dans une perspective "fonctionnelle", on essaye de supprimer tout ce que l’on appelle un peu rapidement "inutile" pour ne retenir que l’essentiel et le fonctionnel dans l’écrit. On oublie sans doute un peu vite dans ce cas, que les formes produites oralement par le canal vocal ne sont qu’un des éléments de la communication orale qui comporte, outre la présence physique de l’interlocuteur, regardé constamment par celui qui parle, qui lui-même est regardé par celui qui l’écoute (cf. rôle du mouvement des lèvres, par exemple pour faciliter la compréhension lorsque la communication se déroule dans des conditions qui ne sont pas toujours optimales), la production de gestes, mimiques, le renvoi à des connivences (connaissance mutuelle des interlocuteurs), etc., tous ces facteurs étant autant de faits qui augmentent la redondance nécessaire à une communication efficace. La réduction de cette communication, fort complexe, au seul message vocal (d’ailleurs la plupart du temps amputé lui aussi car la représentation de l’intonation est toujours très réduite, souvent trop réduite pour permettre encore la compréhension, cf.. M.C. Hazaël-Massieux, 1986) entraîne une considérable diminution de la redondance qui si elle n’est pas compensée par le développement d’une redondance graphique ne permet plus que la communication se déroule aisément (ainsi, le lecteur à qui on demande un trop gros effort d’attention, renonce à lire, le scripteur désarmé pour faire passer l’information convenablement, en l’absence de procédés favorisant une redondance suffisante, renonce à écrire). Ce n’est donc pas en "transcrivant" de l’oral fidèlement qu’on fait de l’écrit. La réflexion sur la redondance du message oral manque considérablement, cette carence étant ressentie par les partenaires de la communication, même si elle n’arrive guère à la conscience claire, car l’idéologie de la "fidélité" bloque toute recherche en ce sens.
Il semble important de réfléchir aux procédés scripturaux qui sont susceptibles d’accroître la redondance d’un message, jusqu’au seuil nécessaire pour une communication efficace et qui, bien entendu, ne sont pas les mêmes que ceux qui contribuent à l’efficacité de la communication orale. L’instrumentalisation d’une langue ne peut faire l’économie de cette analyse des procédés de redondance et les difficultés rencontrées à l’heure actuelle, tant dans le domaine des créoles que dans le domaine des langues africaines qui accèdent à l’écriture, nous semblent le résultat de cette ignorance des règles à suivre pour une bonne transmission de l’information." (extrait de M.C. Hazaël-Massieux, 1989 : "La littérature créole : entre l’oral et l’écrit ?", in R. Ludwig, éd. : Les créoles français entre l’oral et l’écrit, ScriptOralia, Gunter Narr Verlag Tübingen, pp. 277-305).

Sociolinguistique

Plutôt qu'une branche de la linguistique, comme on a parfois tendance à le dire, la sociolinguistique constitue un nouveau point de vue sur la langue et la communication humaine, qui intègre des facteurs que la seule linguistique ne peut prendre en compte, et dont souvent elle se méfie en raison de leur apparente subjectivité : attitudes des locuteurs, jugements épilinguistiques, etc. De ce fait la sociolinguistique prend en compte fondamentalement tous les phénomènes liés à la situation de discours, qu'ils soient caractérisables en termes temporels (historiques), spatiaux (géographiques) ou sociaux (sociologiques voire plus globalement anthropologiques). A ce titre la sociolinguistique mérite une place autonome et complète au sein des sciences humaines, et n'est pas simplement le point de rencontre indéfinissable d'une linguistique et d'une sociologie. Il s'agit donc d'une étude de la communication humaine et des outils privilégiés de cette communication que sont les langues, qui intègre dans la description tout ce qui relève des partenaires de la communication comme des circonstances de cette communication. La sociolinguistique a donc développé des procédures et méthodologies spécifiques, susceptibles de permettre la description de ce nouvel objet qu'est l'homme parlant au sein d'une société.

Variation

Variation diachronique

"La variation diachronique est liée au temps ; elle permet de cotraster les traits selon qu'ils sont perçus comme plus ou moins anciens ou récents." (M. L. Moreau, article "Variation", in Sociolinguistique. Concepts de base, Mardaga, 1997, p. 284.

Variation diatopique

"La variation diatopique joue sur l'axe géographique ; la différenciation d'une langue suivant les régions relève de cette variation. Pour désigner les usages qui en résultent, on parle de régiolectes, de topolectes ou de géolectes." (M. L. Moreau, article "Variation", in Sociolinguistique. Concepts de base, Mardaga, 1997, p. 284.

Variation diastratique

"La variation diastratique explique les différences entre les usages pratiquées par les diverses classes sociales. Il est question en ce cas de sociolectes" (M. L. Moreau, article "Variation", in Sociolinguistique. Concepts de base, Mardaga, 1997, p. 284.

Variation diaphasique

"On parle de variation diaphasique lorsqu'on observe une différenciation des usages selon les situations de discours ; ainsi la production langagière est-elle influencée par le caractère plus ou moins formel du contexte d'énonciation et se coule-t-elle en des registres ou des styles différents." (M. L. Moreau, article "Variation", in Sociolinguistique. Concepts de base, Mardaga, 1997, p. 284.

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