Langues orales, langues écrites
Toutes les langues sont orales avant d'être écrites : dans l'histoire des sociétés mais bien sûr aussi
pour chaque individu qui parle bien avant d'apprendre/de savoir écrire.
L'écriture d'une langue suppose :
- Que cette langue ait été intégralement décrite : système phonétique/phonologique, systèmes et
sous-systèmes grammaticaux...
- Que l'on connaisse bien le contexte sociolinguistique d'utilisation de cette langue : en contact avec une autre,
fonctions de cette langue, statut, représentations des locuteurs, etc.
- Que l'on soit très informé des processus de standardisation entraînés par l'écriture
- Que l'on soit conscient de la tâche entreprise : l'écriture d'une langue, c'est sans doute sa "graphicisation",
mais c'est aussi s'engager dans la fabrication de manuels, de grammaires, de dictionnaires... pour en permettre
l'apprentissage, à la fois par des locuteurs étrangers, mais surtout pour des locuteurs natifs (la
perspective de dictionnaires monolingues doit être envisagée) ;
- Que l'on prévoie le développement d'une littérature : il est indispensable que ceux qui apprennent à lire
dans une langue puisse trouver un corpus intéressant, et notamment un corpus littéraire de qualité suffisante ;
- La traduction d'oeuvres connues dans d'autres langues et d'autres cultures est certainement une ressource
à ne pas négliger, et la traduction est toujours l'occasion de nouveaux développements pour une langue,
mais c'est aussi une question extrêmement complexe qu'il ne faut pas sous-estimée.
Les langues orales et les langues écrites diffèrent toujours considérablement.
Les différences entre langues orales et langues écrites sont nombreuses. On soulignera tout particulièrement :
- Les différences de situation : dans l'oralité l'interlocuteur est proche, voire en face, du locuteur, qui voit
le mouvement de ses lèvres, profite de ses gestes et mimiques, décode, plus ou moins consciemment, son intonation, etc.
- La redondance, c'est-à-dire ce qui aide à compenser le "bruit" est extrêmement différente à l'oral et
à l'écrit. On ne peut considérer l'un des médiums comme plus "redondant" que l'autre, mais ils sont
indéniablement différemment redondants.
- La différence de "canal" n'est pas non plus à négliger.
- En conséquence, les structures linguistiques sont elles-mêmes changées : là où l'écrit proscrira la répétition
et s'efforcera de faire varier le vocabulaire, l'oral se servira même de la répétition à des fins intensives :
comparer l'oral "il fait froid, froid, froid..." (avec intonation adéquate) et l'écrit "Il fait très froid" ; "moi, mon fils, sa femme elle est malade !"
(phrase dont le modèle est courant en situation d'oralité), "la femme de mon fils est malade" (modèle de l'écrit), etc.
- La ponctuation souvent présentée comme un ensemble de marques destinées à "remplacer" l'intonation, est bien
incapable de rendre la richesse de l'intonation,
tant dans ses fonctions "grammaticales" que dans ses fonctions "expressives".
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