On appelle traditionnellement "créoles" des langues nées au cours des XVIIe-XVIIIe siècles des colonisations européennes, lors des contacts entre maîtres et esclaves, amenés à communiquer (alors qu'au départ ils n'avaient aucune langue commune), oralement et dans l'urgence des nécessités quotidiennes, parfois vitales. Ces langues qui se sont progressivement structurées, enrichies et organisées de façon originale, certes avec des ressemblances, en particulier liées indéniablement à la reprise de "matériau" issus des langues européennes de départ, mais aussi avec des différences pas toujours aisées à expliquer, fonctionnent maintenant comme toutes les autres langues. Dans les pays où l'on pratique des langues créoles, elles sont surtout utilisées à l'oral, et fonctionnent en alternance, parfois même selon une distribution à peu près complémentaire (cf. diglossie) avec des variétés contemporaines des langues européennes qui se sont maintenues, voire qui ont été survalorisées aux dépends des créoles, langues quotidiennes, langues des relations personnelles, langues de l'affectivité, alors que les langues européennes en usage sont plus souvent langues de l'administration, langues de l'école, langues de la littérature écrite.^>
Ces langues créoles historiques, à base française, portugaise, anglaise, néerlandaise, etc. selon l'origine des colons dont la langue, en situation dominante, a largement marqué les créoles naissants, posent de nombreuses questions à la linguistique générale et aux linguistes qui s'intéressent à des langues multiples :
D'un point de vue sociolinguistique, les créoles sontexemplaires pour nous faire découvrir, tant historiquement que synchroniquement, les rapports entre les langues dans les sociétés, leurs statuts, leurs valeurs, leurs rôles dans l'identité des peuples. Du fait des travaux d'aménagement linguistique auxquels ils donnent lieu, les créoles sont aussi très significatifs des questions posées par le passage de l'oral à l'écrit, aux différents niveaux de l'analyse linguistique.
Il serait possible de faire un cours de sociolinguistique en ne se référant qu'aux seules langues créoles dans le monde et ce cours serait encore très complet tant les situations rencontrées sont riches et variées : un champ immense s'ouvrirait aux linguistes en raison de la variation et de la variabilité des situations sociolinguistiques rencontrées.
Pour aller plus loin on pourra se référer au cours de créole de Marie-Christine Hazaël-Massieux, qui traite surtout des créoles de la Caraïbe, mais qui peut constituer une illustration significative des statuts et fonctionnements des langues créoles dans le monde.
Note : On sait bien sûr que les explications données par la linguistique historique sont des "reconstructions" destinés à expliquer les faits présents pour montrer son apparentement avec une langue plus ancienne, selon des règles précises et logiques qui ont été mises au point notamment par la "linguistique historique et comparative" au XIXe siècle. Mais ces règles, parfaitement explicatives dans le cadre de leur usage ne valent plus sitôt que l'on peut supposer des "ruptures", qu'il y a des "sauts" qui ne s'accordent pas avec elles. Sur une grande échelle, on est bien sûr obligé de négliger a priori tout saut ou toute rupture, et de faire simplement fonctionner les règles : c'est ainsi que l'on a construit purement et simplement l'indo-européen, seule langue cohérente pour cadrer avec l'explication logique de ses descendants. Mais on peut bien sûr concevoir que sous le nom d'indo-européen, on regroupe des faits qui n'ont pas existé simultanément dans une même langue, mais probablement dans des "langues" séparées parfois par des siècles de distance. Cette commodité logique qu'est la reconstitution historique n'en a pas moins une forte valeur heuristique puisqu'elle a permis parfois de "prédire" des faits, retrouvés ensuite comme "chaînon manquant" au hasard d'une découverte archéologique.
Ce site a été réalisé par Marie-Christine Hazaël-Massieux.