Corrigés des exercices


Corrigé Exercice n° 9

Moin ka palé.
Moin té ka palé lè i vini.
I té travay jodila.
Moin ké palé épi Pyè.
Moin té ké palé si i té ka travay.
Moin ké ka palé épi Pyè lè Jak ké rivé.
Moin té ké ka palé si Pyè té ké vine.

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Corrigé Exercice n° 10

Chemin-d'école est le titre, puis le sous-titre dans la collection Folio, d'une oeuvre de Patrick Chamoiseau publiée chez Gallimard en 1994. Dans la réédition 1996, en collection de poche, Chemin-d'école est présenté comme la suite (cf. Une enfance créole II) de Antan d'enfance, devenu Une enfance créole I. La quatrième de couverture de l'édition Folio présente ainsi Chemin d'école (on notera la place réservée par l'auteur, dès cette présentation, à la langue qui est si caractéristique de son oeuvre) :

Nouvelle traversée. Le Maître comme capitaine "voguant immatériel sur les cimes du savoir universel", grand pourfendeur de sabir créole, négateur des fastes de la culture dominée. "O vertige mi ! Tête perdue !" Le négrillon aura "des temps de blonde enfance, rouge aux joues et yeux bleus".
Retour à la langue-manman quand il fallait lâcher l'émotion, balancer un senti, s'exprimer longtemps. Retour au pays natal et à la parole de Gros-Lombric, un petit bougre, noir bleuté, maître-force en magie créole qui jour après jour, ramène des confins de l'En-ville des contes de zombis, des Chouval-trois- pattes, les bels passages de l'oiseau-glanglan, les vertus des poules-frisées, les coups-de-cervelles de ti-Jean-Lorizon. Gros-Lombric, le double, écolier marron de l'Ecole coloniale.
De la confrontation de ces deux trajectoires, le négrillon tirera la substance de son écriture.

Avant toute approche sociolinguistique ou linguistique, il convient de rappeler que ce texte est extrait d'une oeuvre littéraire, et qu'il y a donc là une certaine représentation des rapports de langues aux Antilles et non pas description scientifique d'une situation particulière. Cette représentation en outre ne cherche pas à correspondre à la réalité présente (qui est le résultat d'importantes évolutions) mais à manifester une situation antérieure (puisqu'elle est censée être l'évocation poétique de l'enfance de l'auteur, ici "le négrillon" ; la confrontation scolaire des langues, le français et le créole, qui est au coeur du roman, est présentée comme source de l'écriture future de P. Chamoiseau : il nous dit que l'auteur en "tirera la substance de son écriture"). On peut ainsi situer les scènes représentées vers la fin des années cinquante (Chamoiseau est né en 1953). Le regard porté par l'auteur sur son enfance est bien entendu l'expression de ses idées sur les langues, et des combats de militant qu'il a menés par ailleurs avec les autres écrivains de la créolité.

Cette représentation littéraire des rapports conflictuels du français et du créole en diglossie est néanmoins fort intéressante, et mérite un examen attentif, tant pour confronter les peintures de Chamoiseau avec une réalité historique, que pour étudier les procédés mis en oeuvre pour rendre la complexité des rapports envisagés.

Le début de l'extrait est un document à valeur sociolinguistique dans lequel l'auteur essaye de situer le rôle du créole et du français, leurs statuts à l'école et dans la société. On apprend ainsi que l'usage du créole est puni : "Qui dérapait avec un mot créole, une tournure vagabonde, se voyait redevable d'un cinglement des jambes". On comprend les "complexes" les difficultés identitaires qui sont ainsi générées : "la liane se mit à peser sur les consciences... son naturel de langue dégénéra en exercice de contrebande qu'il fallait étouffer à proximité des Grands, et hurler entre soi pour compenser". Le créole, langue honteuse, doit être camouflée. Mais le français est inaccessible : il est "risqué", ce qui veut dire que le prononçant mal, faisant des fautes, on se fait aussi punir pour avoir écorché le français, et on est "discrédité à vie". Si le créole est "naturel", sort facilement, il est décrié, contesté dans la société ; son utilisation "déclasse" celui qui s'y adonne : on étudiera tout le vocabulaire utilisé par l'auteur pour décrire le créole : "de manière dépenaillée", "en contrebande", "il se racornit sur des injures", "mots sales", "des haines", "des violences", "des catastrophes à dire"... c'est là le domaine du créole, qui est "la langue des méchants, des majors, des bougres-fous en perdition". Le négrillon, c'est-à-dire l'auteur, mais aussi le prototype de l'Antillais ne sait plus comment se comporter linguistiquement : la langue qui lui est naturelle (sa langue maternelle ?) lui est interdite, la langue qu'il lui faut parler n'est qu'une "langue seconde" dans laquelle en outre on ne tolère pas de faute. On voit ici peindre de façon romanesque mais très efficace les conflits liés à la situation de diglossie.

Suit une courte transition vers la deuxième partie du texte, constituée par l'affaire du "canari", traduit par "casserrole" - notez les "2 r"-, qui de façon subtile montre une nouvelle fois l'impropriété du français, même manié par le maître, pour exprimer les réalités créoles : de fait un canari n'est pas une "casserole", forme que le maître emploie pour "faire distingué", mais une grosse marmite, dans laquelle cuit le repas familial).

La deuxième partie commence alors, plus "linguistique" : il s'agit d'introduire cette fois-ci directementdu vocabulaire créole, avec la volonté de montrer à la fois les risques de "faux-amis", mais aussi les phénomènes de créations spécifiques du créole (dérivés ou composés spécifiques), ou encore les usages particuliers (sens différents du français) qui ne peuvent que générer des erreurs de communication. Les exemples de l'auteur, et le ton qu'il manifeste, visent à montrer que le créole n'est pas plus impropre que le français pour communiquer, et que peut-être c'est le français qui est confus... Tout le passage souligne le pittoresque mais aussi l'efficacité du créole, et montre clairement qu'en raison de "l'arbitraire du signe", on ne peut prétendre que "tumulte" est meilleur que "ouélélé" que "nouveau venu" est plus approprié que "tout-frais arrivé", et qu'après tout "quatre-chemins" vaut bien "carrefour (cf. bas latin > quadrifurcum) !

On soulignera qu'à côté de ces démonstrations explicites, dans le reste du texte, sans explication alors, il est plusieurs fois fait référence aux "petites-personnes". Cette expression est bien sûr la traduction littérale de "timoun" = enfant ; mais ce terme risque d'entraîner des erreurs de compréhension et de communication pour les lecteurs purement francophones de Chamoiseau. C'est ce ton non explicite qui est repris quand on déclare par exemple que "tout ce qui était laid était vieux" : de fait il s'agit là d'une allusion au fait que "vyé" en créole ne veut pas tant dire "vieux" que "laid ou de mauvaise qualité", ou du moins que ce mot a deux sens :

.

[Exemples empruntés au dictionnaire de Tourneux et Barbotin, mais Ludwig et al. cite aussi "on vyé lodè" = une odeur désagréable, etc.]

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Corrigé Exercice n° 11

Dans ce très court texte de Mauvois, on trouve quelques catégories d'adjectifs ou d'éléments à fonctions adjectivales. On soulignera :

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Corrigé Exercice n° 12

1) Les assonances sont nombreuses dans le texte. On appelle "assonances" au sens strict l'identité de la dernière voyelle tonique d'un groupe de vers, et par extension, toute répétition vocalique insistante. Ici, pour ce texte qui n'est pas en vers, on retiendra la deuxième définition. Seront considérées comme des assonances par exemple [ici est noté en rouge ou en vert ce qui assonne] :

"... si je dis pas bonne nuit c'est auquel-que la nuit sera blanche ce soir comme un cochon-planche dans son mauvais samedi et plus blanche même qu'un béké sans soleil sous son parapluie de promenade au mitan d'une pièce-cannes é krii ?

On pourrait dans ce même passage rapprocher encore "promenade" et "pièce-cannes", etc. Bien sûr l'auteur parodiant le conte, va encore plus loin quand il évoque avec la répétition de mots entiers : "canot", "chemin", "bout" :

"... c'est le chemin de la mer qui n'a pas de chemin même pour un canot même pour deux canots même pour dix-sept mille canots parce que s'il y avait un chemin même un petit bout de chemin dans un petit bout sans bout de chemin je l'aurais déjà piétonné... [repris d'ailleurs plus loin par "debout"...]

On poursuivra l'étude de tout le texte en rapprochant ainsi les sonorités : cf. "méchants" / "z-habitants", mais aussi "djidite ni léfrangite polyphonique à l'évangile... en pique, quand c'est critique pour les chiques et les moustiques é kriik ?"

2) On se gardera bien de confondre "graphie francisante" et français ou "graphie créolisante" et créole, avec l'a priori classique qui fait d'une créole une langue "phonétique" alors que le français ne le serait pas. Bien entendu tout ceci n'a pas de signification : ce qui permet d'identifier une langue, surtout quand son orthographe n'est pas fixée comme le créole et qu'il s'agit simplement de respecter ou non des "principes" de transcription, c'est la grammaire, le lexique étant quant à lui susceptible d'être emprunté par une langue ou par une autre, de façon temporaire ou définitive (cf. ici au moins "zanmas", "hak" et "fout" sont clairement empruntés au créole, après avoir été empruntés, pour "hak" et "fout" au français d'abord.)

Relèvent donc clairement du français toutes les parties conjuguées selon les principes du français : "je dis bonsoir", "il ne fait pas jour", "je dis pas bonne nuit". On pourrait ajouter bien sûr les "déterminants" français : "la mer est par-devant la mer est par derrière", etc. "le chemin de la mer", "un chemin", "un petit bout de chemin", etc. De fait, comme dans toutes les oeuvres de Chamoiseau, l'essentiel du texte est du français, mais qui veut donner l'impression du créole, qui en outre glisse vers le créole à partir du 3e paragraphe (celui qui commence par Hortense) : on notera l'utilisation de "pièce" ici graphié absolument à la française mais qui est une particule grammaticale négative créole : "aucun nègre ne va danser ce soir" ; de même "qualité" renvoie au créole, et symboliquement ici on a l'enchaînement "car pièce qualité de bête-longue" (qui désigne alors, avec ce recours à l'intensif, une énorme "bête-longue" - bête-longue étant la forme lexicale en usage aux Antilles, en français comme en créole pour désigner le "serpent"). On touche ici du doigt les procédés utilisés par Chamoiseau : de la grammaire créole avec quelques mots régionaux. Une fois ceci mis en place, Chamoiseau ne résiste pas à la facilité d'utiliser presque de la transcription phonétique, puis du lexique peu compréhensible pour un lecteur métropolitain... et le tour est joué (cf. "léfrangite" qui est en fait la "lymphangite", forme mal prononcée d'une maladie peu connue par un locuteur illettré). A l'inverse de ce qui prouvait le français (déterminant "le", "la", "un" antéposés), la disparition du déterminant "fait" créole : "nous chantons la montagne Vauclin" s'oppose à "je ne connais pas montãn Voklin", repris même par "an pa konèt montãn Voklin" ; "le congo a déjà placé son corps tout en haut" évoque le réfléchi spécifique du créole : cf. "i ka lavé kò a-li" = il se lave. ici "il a déjà placé son corps tout en haut" = il s'est déjà placé... On fait créole avec du français !

3) "Hortense danse dans la manigance" est d'abord une phrase placée là pour les assonances. On a pu voir en examinant les précédentes assonances qu'une phrase avec des assonances n'a d'intérêt que par rapport à cette donnée phonique, et que sa signification intrinsèque est tout à fait secondaire ; tout au plus les assonances amènent à rapprocher des mots ou des expressions qui apparemment n'ont rien à voir entre elles, qui sont a priori dépourvues de sens. Mais, comme le disent les enfants dans leurs jeux, "C'est vrai puisque ça rime" (ils disent cela de "la maîtresse a des tresses" ou de "Bernard aime les épinards"), et l'on se gardera bien dans ces conditions d'exclure tout rapport entre "Hortense", "la danse" et "la manigance" : c'est même là un moyen d'atteindre une vérité bien supérieure aux vérités ordinaires qui ne riment pas !

4) Le goût des chiffres et de l'exagération est un classique de l'humour antillais : pour mieux montrer que l'on a affaire à des chiffres énormes souvent on les invente : Nous avons déjà signalé dans Texaco ces passages extraordinaires : "Ils ne pillaient plus les passants, mais leur posaient trente douze questions" (p. 107), ou "Il y avait mille sept cent cinquante douze treize manières, dont rêvaient tous les nègres en case" (cf. M.C. Hazaël-Massieux, un article à paraître sur l'humour antillais).

Ce passage ne manque pas à la tradition, tout en recourant à des procédés un peu différents : ici l'énumération des chiffres suffit à l'auteur pour indiquer le grand nombre : "une vague deux vagues trois vagues et caetera de vagues" ("et caetera" étant un déterminant indéfini en créole qui signifie "énormément"), ou plus loin "même pour un canot même pour deux canots même pour dix-sept mille canots". Quant à l'exagération ou l'hyperbole, elle repose ici précisément largement sur les assonances, reprenant des procédés proverbiaux "tand et konpwand" (ici "tann tann ek konpwann"), ou "sans même l'avoir vue ni connue", et c'est l'exagération finale : "qu'il commence à apprivoiser sans cacarelle ni djidjite ni léfrangite polyphonique à l'évangile tout moun douboute en pique quand c'est critique pour les chiques et les moustiques" : personne ne sait ce que cela veut dire, pas même l'auteur, mais c'est énorme et gigantesque !

5) Beaucoup d'éléments dans ce texte renvoient au conte : bien sûr toutes les formules, et notamment l'introduction : "Messieurs et dames si je dis bonsoir", les "é krii / é kraa / misticrii / misticraaa", etc. De façon beaucoup plus subtile le ton adopté, l'absence de ponctuation soulignant l'émission d'un seul souffle qui caractérise le conteur qui ne s'essouffle pas, qui enchaîne mots après mots rapidement avec la plus grande aisance, celle d'un "maître de la parole". Mais ce sont encore les allusions subtiles aux proverbes ou devinettes créoles, et finalement ces jeux sur "entendre et comprendre" qui sont tout à fait caractéristiques du conte : Rutil sous-titre son livre Contes marie-galantais de Guadeloupe : "Krik ! rété kouté... Krak ! Kouté pou konpwann", formules utilisées dans les contes pour réveiller l'attention du public, et bien placées ici pour faire réfléchir aux significations de phrases qui évoquent les devinettes "le béké dans la pièce-cannes".

Ces dits de Solibo sont explicitement la reprise, essentiellement en français, d'un lancement de conte où, en quelque sorte pour se mettre en bouche, le conteur enchaîne des mots de plus en plus vite, formes allitérées, assonancées, formes répétées, exagérées, pour le seul plaisir des mots et pour montrer qu'il ne trompe pas son public, qu'il est bien le maître de la parole que l'on attend.

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