Nota bene : Bien d'autres réponses sont possibles, il s'agit là d'exemples de groupes nominaux que l'on peut placer dans les contextes proposés.
Version guadeloupéenne
Nonm-la-sa (Cet homme) ... ka palé (est en train de parler)
Konpè-a-ou (Ton ami, copain)... vini (est venu)
Sé timoun-la (Les enfants)... ka joué (sont en train de jouer)
Zozyo-la (L'oiseau)... té ka chanté (chantait)
Fanm-la ki ni twa ti-moun (la) (la femme qui a trois enfants)... ké vini (viendra)
Profésè-la, moin vwè la, (Le professeur que j'ai vu)... té sòti (était sorti)
Pitit-an-moin (Mon bébé)... vlé manjé (veut manger)
Vyé-kò-la (Le vieillard)... pa té ka palé (ne parlait pas)
Sé moun-la (Les gens)... pa ka travay osouè-la (ne travaillent pas ce soir)
Version martiniquaise
Nonm-ta-la (Cet homme) ... ka palé (est en train de parler)
Konpè-ou (Ton ami, copain)... vini (est venu)
Sé timoun-lan (Les enfants)... ka joué (sont en train de jouer)
Zozyo-a (L'oiseau)... té ka chanté (chantait)
Fanm-lan ki ni twa ti-moun (la femme qui a trois enfants)... ké vini (viendra)
Profésè-a, moin vwè la, (Le professeur que j'ai vu)... té sòti (était sorti)
Pitit-moin (Mon bébé)... vlé manjé (veut manger)
Vyé-kò-a (Le vieillard)... pa té ka palé (ne parlait pas)
Sé moun-lan (Les gens)... pa ka travay osouè-la (ne travaillent pas ce soir)
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1) Dans le texte de Telchid, la plupart des mots sont des mots simples : quelques exemples : manman, gran, travay, conté, dèyè, lari, diri, aprésa, viré…
On trouve quelques "mots composés" :
On devrait analyser les expressions suivantes pour évaluer leur degré de lexicalisation : "gran
bonnè matin" ; "pwa wouj" ; "vyann kochon salé" ; "sizè-d-maten" ; "sètè" ; "farin mannyòk" :
beaucoup moins figées que les mots composés précédemment relevés, ces séquences partagent
toutefois avec eux certains traits :
- impossibilité d'insérer un mot entre les deux ou trois mots qui constituent un assemblage figé
dans cette fonction : on peut dire "on bon ti pwa wouj", mais non pas "*pwa bon wouj"
- la commutation est possible : pwa wouj / pwa kann / pwa zyé nwa... sizè / sètè (bien que, par
exemple, dans ce deuxième cas, ne puissent fonctionner seul la deuxième partie "è" : tout au
plus a-t-on "lè", en-dehors du cas précis où l'on donne l'heure et où les divers chiffres se
succèdent devant "-è" qui ne sert qu'à cela !
- changement au moins partiel du sens pour le composé par rapport au sens de ses parties
- une transformation syntaxique reste souvent possible, en revanche, à la différence de ce qui
se passe pour les vrais mots composés : "sé on pwa ki wouj menm" (on ne peut en
revanche pas transformer impunément sans changer le sens du mot "batzyé", ou "tifi" ("i ka bat
zyé-a-li" = il bat des yeux), mais c'est assez différent du "clin d'oeil", "tifi-la pitit" ou
"tifi-la gran" (cette fille est petite, cette fille est grande, mais il s'agit là de sa taille,
et non pas d'une glose compatible ou incompatible avec le préfixe "ti") : on dirait de la même
façon "fi-la pitit" ou "fi-la gran").
On ne trouve en revanche qu'un seul dérivé dans le texte. On peut relever "kaskouté" (fait sur "kaskout" par ajout d'un suffixe verbal "té" qu'on trouverait aussi dans "pyété" (piétiner, taper des pieds), "kadoté" (offrir un cadeau), etc. Ce suffixe reste malgré tout assez peu productif : on ne peut créer n'importe quel verbe à partir lui et son emploi reste cantonné à certains mots à peu près figés.
2) Dans le texte de Katrin René-Sainte-Eloi, on notera bien sûr encore la présence de nombreux mots simples : "ansényé", "travay", "onlo"..., largement dominants en nombre pour l'ensemble du texte.
Quelques composés, de fait exclusivement dans la catégorie des composés totalement lexicalisés : on relèvera (dans la même catégorie que "tifi", "tibwen", analysés précédemment : "timoun" ; on pourrait aussi signaler "kijan" = comment, attesté comme composé par l'existence de formes comme "kikoté" = où, kilès = qui (quelle personne)... Les deux parties sont réutilisables, mais constituent une unité de sens différente du sens des deux parties séparées.
Méritent en revanche d'être signalés dans le texte de Katrin René-Sainte-Eloi de très nombreux
emprunts au français, souvent des dérivés français, mais qui ne sont au mieux
que des mots simples créoles (si l'on peut les considérer comme créoles simplement du fait
d'une notation qui tente de reproduire la prononciation du créole). Notons qu'ils ne figurent
d'ailleurs pas dans le dictionnaire de Poullet et Telchid pris comme référence.
On signalera parmi ces emprunts de dérivés français : "dizenn", "prochenn", "Gwadloupéyen"
(on dit plutôt en créole "moun Gwadloup" : bel exemple de composé), "prinsipalman", "pratik",
"pedagojik", "pénalizé",
"espéryans", "fowmasyon", "préparasyon"... emprunts qui voisinent avec des mots simples
français également empruntés : "kandida", "lisens", konkouw", "kilti"...
Méritent une mention particulière, car ce ne sont pas vraiment des composés, même s'ils en ont l'allure :
3) Le dernier texte, de Raphaël Confiant (texte didactique) comporte encore une très forte majorité de mots simples et courts : "dwèt", "savé", "lang", "pawòl"... C'est donc bien la catégorie largement dominante en créole des Petites Antilles.
Quelques mots longs, toutefois, attirent vite l'attention :
Dans le corpus de Confiant, on trouve d'ailleurs d'autres dérivés, un peu étonnants (très peu courants en créole) comme "montray" (fait sur "montré"), qui n'est pas dans le dictionnaire de référence. En ce qui concerne le terme "mofwazé", on pourrait s'interroger un instant pour savoir s'il faut le considérer comme un "dérivé" ; normalement "mofwaz" n'existe pas : cependant le GEREC a fait de cette deuxième forme un "dérivé inverse" de "mofwazé" = transformer (cf. titre d'une revue).
D'autres "néologismes" sont encore présents dans ce court extrait. On se demandera toutefois si l'on peut clairement baptiser néologismes des créations qui ne sont le fait que d'une ou deux personnes : c'est d'ailleurs la question que pose le Dictionnaire des néologismes créoles, rédigé par R. Confiant, également et paru en 2001 chez Ibis Rouge : l'auteur déclare : "La plupart des néologismes recensés ici sont de moi... (p. 20)" - et, ajoute-t-il, "un grand nombre de Jean Bernabé ou d'auteurs créolophones...".
On trouve également quelques formes de la langue populaire (formes produites par des analphabètes créoles ou imitant les déformations populaires de "grands" mots de la langue française par des quasi-unilingues) : on pense à "plodari" (sans doute en relation avec le mot français "plaidoirie" !!!), mais il ne s'agit pas d'un dérivé.
A signaler encore chez Confiant de très nombreux emprunts au français : emprunts lexicaux comme "prési", "enfliyans", "esprésyon", "ekzaminé", "tèks litérè", "marjinal"..., mais on notera aussi des emprunts ou calques syntaxiques : "nou ka konstaté ki...", "plis kè on lang...", "sa vré ké...", "sé dayè poukwa", "di ki sé...".
Ce troisième corpus est celui dans lequel est le plus sensible ce que l'on appelle parfois la "décréolisation", c'est-à-dire le fait d'intégrer, au-delà de mots isolés, des structures syntaxiques du français. Si le phénomène peut s'expliquer par le sujet traité (de fait un cours de linguistique que l'auteur est certainement plus habitué à faire en français), il est cependant inquiétant, car c'est lorsque la grammaire d'une langue est touchée qu'elle est vraiment menacée de disparition. Ce phénomène, bien plus évoqué en ce qui concerne la Martinique que la Guadeloupe, est en quelque sorte confirmé par ce bref corpus (Sylviane Telchid et Katrin René-Saint-Eloi sont guadeloupéennes, Raphaël Confiant est martiniquais).
4) La traduction du texte "Ka i manjé pwa-la", donnée par l'auteur (Sylviane Telchid), comporte dans la version française de nombreux ajouts, liés apparemment à une volonté de rendre le texte plus noble : Quelques exemples :L'auteur s'écarte donc du texte créole, pour faire de fait une deuxième version en français. Sylviane Telchid, professeur de français en collège, est certainement désireuse à l'occasion de l'apprentissage du créole écrit proposé à travers ce conte aux élèves de sa classe, de leur faire découvrir le français élaboré, et de souligner ainsi des formes d'écriture différentes : le créole reste largement marqué par l'oralité, tandis que le français a derrière lui des siècles d'écriture. Ce point de vue peut d'ailleurs être discuté dans la perspective de l'extension du rôle et de la place des deux langues dans le quotidien des Guadeloupéens, dans une perspective de vrai bilinguisme. Nous sommes encore avec ce texte et sa "traduction" (adaptation française) dans le cadre d'une vision diglossique des rapports entre créole et français.
Les courts slogans présentés ici sont une illustration de ce que la publicité en créole réalise souvent : l'utilisation de la langue parlée par tous, sensée délivrée plus efficacement un message important. Ici, il s'agit de slogans proposés par la Sécurité routière dans l'intention de faire prendre conscience d'un certains nombres de dangers bien répertoriés avec les comportements obligatoires qui vont avec : mettre sa ceinture de sécurité, les prudences particulières aux deux-roues et aux piétons, le port du casque à moto.
Ces quatre slogans, ainsi signifient (traduits en français) :
1) Si tu ne veux pas mourir,
Mets ta ceinture !
2) Deux-roues, prudence !
Attention à vous ! (litt. Faites attention à votre corps !)"
3) Piétons,
Ouvrez les yeux !
4) Avec le casque
Pas de casse !
Avant toute analyse des textes, il convient d'émettre un doute sur la facilité à recevoir ainsi des messages importants pour des locuteurs pourtant créolophones. Aux Antilles, les locuteurs du créole rappellent souvent leurs difficultés à accéder au créole écrit. Ils sont peu familiarisés avec les graphies proposées, et souvent très réservés à l'égard de ce qu'ils appellent le "créole moderne", parfois même le "créole américain" - à cause de la présence, maintes fois dénoncée, de "k et de w", lettres devenues emblématiques de leur détestation. Dans le cas présent, on soulignera que l'illustration qui accompagne chaque fois le message facilite grandement le passage de l'information !
Il ne s'agit bien entendu pas ici de discuter de l'opportunité d'une notation de type phonétique (pour des linguistes ce choix n'est plus à discuter, surtout quand on prétend opposer à une notation rigoureuse les aléas d'une notation francisante !), mais il s'agit ici de voir concrètement comment ceux qui ont lancé cette campagne de la Sécurité routière en créole utilisent ou parfois s'écartent d'un système en usage dans les Petites Antilles. Même si ce système n'a pas encore de statut officiel comme l'orthographe haïtienne, elle, fixée par décret (en 1979), le système mis au point au long d'années d'usages et d'expérimentation menés par divers groupes, régulièrement utilisés maintenant par les auteurs divers de textes en créole, a sans doute acquis au moins la légitimité de l'habitude.
Dans le cas présent, on constate que les scripteurs de la campagne de la Sécurité routière s'écartent d'un système strictement phonologique sur divers points qu'il importe de commenter. Soulignons qu'aucun des signes graphiques tendant à marquer la solidarité des morphèmes grammaticaux (par exemple par l'insertion de tirets) n'est ici utilisé.
Les points principaux d'incohérences sont les suivants :