La connexion et les connecteurs


La connexion n'est pas toujours marquée par des morphèmes en créole : il existe cependant des connecteurs, qui peuvent occuper des places variées dans la phrase, et qui ont des fonctions également variées. Ainsi un même connecteurs peut, selon sa place (en début de phrase, à l'intérieur de la phrase...) et sa position (devant un nom / devant un verbe, par exemple) prendre un sens et une valeur différents. L'enchaînement des groupes est parfois suffisant pour indiquer la connexion : n'oublions pas que, dans ce cas, c'est de fait l'intonation qui marque la connexion. Ainsi est souvent marqué sans morphème grammatical le lien entre un nom et un groupe relatif objet, alors même que la relative sujet est marquée par "ki" :

"moun-la ki vini..." = l'homme qui est venu
"moun-la moin vwè Lapointe bonmatin-la"

L'"écho de définitude" (ici le morphème -la en fin de groupe nominal) pourrait être considéré (et l'est par certains, cf. Ralph Ludwig) comme véritable marque de la "relative" objet, par ailleurs non marquée : "Timoun-la moin vwè la" : il semble que cette tendance, qui permet de "reprendre" l'ensemble du syntagme déterminatif en l'unissant au nom qu'il spécifie, comme l'adjectif postposé après lequel se trouve le déterminant défini dans la phrase simple ("loto blé la" = la voiture bleue), soit de plus en plus fréquente (on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un phénomène de grammaticalisation en cours, lié au développement du créole écrit, qui tendrait à faire de ce "-la" de clôture du groupe nominal la véritable marque de la relative objet (note 1). Notons toutefois que ce "-la" se rencontre aussi très fréquemment dans la relative sujet (elle marquée) : "An pa konnèt nonm-la ki vini la" = Je ne connais pas l'homme qui est venu".

On n'utilisera ni le terme de conjonction ni le terme de préposition, devenus fort ambigus du fait de l'usage que reçoivent ces termes dans la description du français. Le terme de "préposition" signifiant littéralement "placé avant" est plutôt gênant quand les connecteurs sont de fait postposés, comme c'est parfois le cas en créole ; la limitation des "prépositions" à ces termes placés devant le nom est également inadéquat puisque un même morphème (par ex. "dépi") peut être placé devant un groupe nominal (dépi bonmatin-la-sa..." = depuis ce matin...) ou en tête de phrase ("dépi Pyè ka vini" = dès lors que Pierre vient...), mais aussi à l'intersection de deux phrases : "i ka palé-moin dépi moin ka palé-li" = il me parle depuis que je lui parle). Quant au terme de conjonction, il est lui aussi très marqué et particulièrement du fait de la liste des conjonctions de coordination établie pour le français et qui n'est déjà pas adéquate pour le français :

C'est pour toutes ces raisons, et pour d'autres qu'au moins provisoirement en matière de description des créoles on préfèrera le terme de "connecteur", afin de ne pas introduire, à travers des termes peu clairs (prépositions, conjonctions, adverbes de liaison...) des présupposés théoriques liés aux grammaires d'autres langues. Un connecteur marque la connexion, mais toutes les connexions ne sont pas marquées par un connecteur, l'intonation étant très souvent, dans une langue orale, chargée de marquer le lien entre mots, groupes de mots ou phrases.

Pour aller plus loin : "De la connexion aux « connecteurs",en français et en créole", par Marie-Christine Hazaël-Massieux (fichier .pdf).

note 1 : On peut se demander s'il faut d'ailleurs parler de "relative" dès lors qu'un tel groupe déterminant du nom n'est plus introduit par un "pronom relatif" !