Malérè pa ni gwo kyè

(extrait du recueil de S. Telchid, 1985, Ti-Chika... et d'autres contes Antillais, 1985, pp. 143-144)

Té ni twa tifi malérèz kon lapyè. Toutmoun té ka vwè-yo ka pasé an lari an dégenn kon pa ni. Lenj a-yo té ka déchèpiyé asi-yo ; palapenn di-zòt yo té ka maché nipyé !

On jou maten, toupannan yo té ka alé é vini, yo jwenn on vyé pépa, on zanno krizokal épi on vyé bag. Apa ti kontan yo té kontan ! Yonn mété bag-la, on dòt mété pépa-la, twazyèm-la mété zanno-la.

Mé apwézan, fo moun vwè-yo, yo ni bèl biten ! Moun ni labitud vwè anni rangnon asi-yo. Kifè, jòdi-la, fò yo mété bèl zéfé a-yo déwò !

Yo désann obou, yo koumansé ka ba lari chenn ; yo ja monté, yo ja désann, yo pa ka jwenn ponmoun. Lewgadé, yo rivé bò légliz. Asi ban-fengnan, on bann jenn boug té ka ba lang a-yo travay. Sé tifi-la pwoché ; mé sé tigason-la té si tèlman ka langanné, yo pa té ka vwè-yo menm.

Sé manmzèl-la té ka mò, yo té ka di an kyè a-yo : "kijan nou kay fè pou moun oksèvé bèl biten nou ni ?"

Lèspri a-yo té ké tèd, telman yo té ka èché vwè ès yo té kay fè sé moun-la gadé-yo.

Toupannan yo pa té ka atann-yo, yo vwè on ravèt ka pasé dwèt douvan sé boug-la. Yo pa pèdtan.

Tala i té ni bag-la, lévé, pwenté dwèt a-y asi ravèt-la, èvè i hélé tout fòs a-y : "Gay on ravèt on."

Ta pépa-la, lévé pyé-la i té mété vyé soulyé-la, épi i di : "An ka pilé-y".

Ta zanno klendendenn-la kriyé : "An-an ! pa fè sa, pa fè sa" ; èvè i té ka fè zanno-la alé é vini asi figyi a-y.

[...]

Traduction quasiment littérale (différant donc un peu de celle donnée par S. Telchid) :

Il était une fois trois jeunes filles extrêmement pauvres (litt. malheureuses comme pierre). On les voyait (litt. tout le monde les voyait) passer dans les rues de la ville avec une allure pas possible (litt. comme on n'en a pas). Leurs vêtements étaient en lambeaux sur elles. Ce n'est pas la peine de vous dire qu'elles marchaient pieds-nus !

Un matin, alors qu'elles allaient et venaient, elles ramassèrent une vieille chaussure, un anneau brillant et une vieille bague. Ce qu'elles étaient heureuses ! L'une mit la bague, l'autre la chaussure et la troisième l'anneau.

Mais dès lors, il fallait que quelqu'un les voie, puisqu'elles avaient de belles choses. Les gens avaient l'habitude de ne voir que des haillons sur elles, de sorte que, aujourd'hui, il leur fallait montrer leurs belles affaires (litt. mettre leurs belles affaires dehors).

Elles descendirent au bourg, et elles commencèrent à arpenter la rue en tout sens ; elles montaient, elles descendaient, elles ne rencontraient personne. Soudain, elles arrivèrent à côté de l'église. Sur un banc public, un groupe de jeunes gens bavardaient (litt. donnaient du travail à leur langue). Les jeunes-filles approchèrent mais les garçons bavardaient tellement (litt. étaient tellement bavards) qu'ils ne les voyaient même pas.

Les filles en mouraient, elles se disaient dans leur cœur : "Comment nous allons faire pour que les gens voient les belles choses que nous avons ?"

Leur esprit était tracassé (litt. se tordait) tant elles cherchaient ce qu'elles pouvaient faire pour que les gens les regardent.

Pendant qu'elles se tourmentaient, elles virent un ravet (cafard) qui passait droit devant les garçons. Elles ne perdirent pas de temps.

Celle qui avait la bague se leva, pointa son doigt vers le ravet et elle cria de toutes ses forces : "Regardez, un ravet !"

Celle à la chaussure, leva le pied sur lequel elle avait mis le vieux soulier et elle dit : "Je l'écrase".

Celle avec l'anneau brillant cria : "Nooon ! ne fais pas ça, ne fais pas ça !", tout en agitant l'anneau autour de son visage.

Questions

1) Identifiez déterminants et pronoms dans le texte précédent. Classez-les et précisez comment s'effectue votre identification.

2) Analysez et expliquez la structure et la composition de la phrase créole suivante : "Sé tifi-la pwoché ; mé sé tigason-la té si tèlman ka langanné, yo pa té ka vwè-yo menm"

3) Traduisez dans le créole de votre choix les exemples suivants (en vous aidant du texte ci-dessus pour le vocabulaire)

La bague était belle.
Elles marchaient devant les garçons, mais ils ne les voyaient pas.
Pendant que ces gens parlaient (palé), les filles écrasaient le cafard.
Elle cria et pointa son doigt vers la vieille chaussure.

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