Si l'interprétation exacte de "mabolo" est difficile (le mot ne figure dans aucun des dictionnaires de la Caraïbe que nous avons consultés), on trouve une mention peu explicative, il faut le dire, dans E. Jourdain dans le "vocabulaire de la flore" (1956, p. 281 : malais : dyospiros philippensis) qui concorde avec l'attestation qui est donnée de "mabolo" ou "manbolo" dans l'Océan Indien (cf. R. Chaudenson, 1974, pp. 303, 1064) où il est explicitement fait mention d'un fruit (Diospyros embryopteris) et d'un arbre qui seraient originaires des Philippines, explication que mentionne également A. Bollée dans le DEC II, p. 269, reprenant l'analyse de Chaudenson : "esp. d'arbre et son fruit qui a une peau veloutée et rousse et une odeur désagréable (on le nomme parfois tay sat ou kaka sat 'caca de chat')". Les deux auteurs signalent le mot parmi les termes d'origine douteuse ou inconnue. La similitude du mot aux Antilles et dans l'Océan Indien est troublante, ainsi que l'origine "malaise" ou "philippine" avancée, et l'on ne peut douter de la référence concrète. Mais l'on ne peut pour autant savoir ce qui est mis en avant aux Antilles dans l'utilisation métaphorique de " tête-mabolo " : est-ce la rousseur, l'odeur, la forme ? Les métaphores de fruits sont fréquentes pour caractériser des parties du corps humain ; on connaît, par exemple, la mention d'une " petit peau de sapotille " pour caractériser la couleur et la consistance de certains visages féminins, mais aussi toutes les références à la mangue, à la " calebasse " (ici même), au " coco ", aux " bananes ", - d'ailleurs pas toujours convenables ! D'après L.F. Prudent (communication privée), " tête mabolo " serait une expression moqueuse entendue fréquemment dans la bouche des enfants (plutôt les garçons) lorsqu'ils se taquinent ou se défient entre eux dans la cour de l'école, ou lorsqu'ils se moquent, non sans méchanceté, d'un adulte, handicapé ou non. Deux significations voisines mais distinctes semblent survivre aujourd'hui : la première plus physique, s'appliquait autrefois au petit garçon qui revenait de chez le coiffeur avec les cheveux coupés ras. Elle renvoie aux bosses et autres irrégularités du crâne, apparentes ou même soulignées par le poil court : on l'utilise encore aujourd'hui pour charrier une personne qui a "une drôle de bouille"... La deuxième signification touche à une zone plus mentale. Quelqu'un de ridicule ou qui divague et délire, qui "perd la tête" sera l'objet de la risée des autres et on lui lancera de sonores et méchants "tête mabolo" à la face. Dans le contexte, ce serait sans doute cette acception qui prévaudrait : "dans sa tête déjà fatiguée de vieux fou, de foldingue... ".
Les Antillais semblent ainsi ignorer l'allusion très présente dans l'Océan Indien à la mauvaise odeur du fruit, à sa couleur rousse, mais y voient plutôt donc soit une allusion à des bosselages que nous n'avons pu vérifier car nous n'avons jamais vu le fruit (qui ne semble plus connu maintenant : Prudent ne fait pas allusion au fruit et avoue son ignorance de l'étymologie de "mabolo "), soit quelqu'un à l'esprit un peu "dérangé", selon un usage métaphorique dont les références ne sont pas très claires.