"Sur l'Air : Que ne suis-je la fougère !
Lisette quitté la plaine,
Mon perdi bonher à moué
Gié à moin semblé fontaine
Dipi mon pas miré toué.
Le jour quand mon coupé canne,
Mon songé zamour à moué ;
La nuit quand mon dans cabane
Dans dromi mon quimbé touéSi to allé à la ville,
Ta trouvé geine Candio
Qui gagné pour tromper fille
Bouche doux passé sirop.
To va crer yo bin sincère
Pendant quior yo coquin tro ;
C'est Serpent qui contrefaire
Crié Rat, pour tromper yo.Dipi mon perdi Lisette,
Mon pas souchié Calinda
Mon quitté Bram-bram sonnette.
Mon pas batte Bamboula
Quand mon contré laut' négresse,
Mon pas gagné gié pou li ;
Mon pas souchié travail pièce
Tout qui chose a moin mouri.Mon maigre tant com' gnon souche
Jambe à moin tant comme roseau ;
Mangé na pas doux dans bouche,
Tafia même c'est comme dyo
Quand mon songé, toué Lisette
Dyo toujour dans jié moin.
Magner mion vini trop bête
A force chagrin magné moinLiset' mon tandé nouvelle
To compté bintôt tourné :
Vini donc toujours fidelle.
Miré bon passé tandé.
N'a pas tardé davantage
To fair moin assez chagrin,
Mon tant com' zozo dans cage,
Quand yo fair li mouri faim.
Traduction donnée par Moreau de Saint-Méry, conforme aux genres et modes de la poésie lyrique en cette fin de XVIIIe siècle, et qui ne rend guère la simplicité et le naturel du texte créole. Il précise toutefois : "J'en présente, en même tems, la traduction versifiée par un créol, qui, aux dépens de son amour-propre, n'a cherché qu'à conserver, presque ligne pour ligne, le sens littéral qu'une imitation libre aurait empêché de saisir." (Ed. de 1958, p 81)
Lisette : tu fuis la plaine,
Mon bonheur s'est envolé ;
Mes pleurs, en double fontaine,
Sur tous tes pas ont coulé.
Le jour, moissonnant la canne,
Je rêve à tes doux appas ;
Un songe dans ma cabane,
La nuit te met dans mes bras.Tu trouveras à la ville,
Plus d'un jeune freluquet.
Leur bouche avec art distille
Un miel doux mais plein d'apprêt ;
Tu croiras leur coeur sincère :
Leur coeur ne veut que tromper ;
Le serpent sait contrefaire
Le rat qu'il veut attraper.Mes pas loin de ma Lisette,
S'éloignent du Calinda ;
Et ma ceinture à sonnette
Languit sur mon banboula.
Mon oeil de toute autre belle,
N'aperçoit plus le souris :
Le travail en vain m'appelle,
Mes sens sont anéantis.Je péris comme la souche,
Ma jambe n'est qu'un roseau ;
Nul mêts ne plaît à ma bouche,
La liqueur s'y change en eau.
Quand je songe à toi, Lisette,
Mes yeux s'inondent de pleurs.
Ma raison lente et distraite,
Cède en tout à mes douleurs.Mais est-il bien vrai, ma belle,
Dans peu tu dois revenir :
Ah ! reviens toujours fidelle,
Croire est moins doux que sentir.
Ne tarde pas davantage,
C'est pour moi trop de chagrin ;
Viens retirer de sa cage,
L'oiseau consumé de faim.
Nous donnons cette version de Moreau de St-Méry d'après l'édition 1958 (Paris Larose, tome 1, pp. 81-82) de la Description topographique....