Quelques groupes qui ont marqué l'histoire des études créoles

L'ACRA (Académie créole des Antilles), fondée le 27 juillet 1957, a exposé ses objectifs dans la Revue Guadeloupéenne, revue qui a paru entre 1945 - 1973, dans un article "Vive l'ACRA" signé par Gaston Bourgeois (n° 37, juillet-août-septembre 1957, p. 21) :
" ... faire l'inventaire de notre trésor linguistique : établir la significatiion des mots et locutions proverbiales, ainsi que leur généalogie, avec remarques et anecdotes, s'il y a lieu ; rechercher, en particulier, les sources de langues qui coulent dans le langage créole : fixer la graphie ; révéler le génie de l'idiome et le défendre contre le français, un de ses pères envahissant et abusif."

Les premiers membres de l'ACRA étaient au nombre de 26 (dont 4 femmes) :

Le Comité International des Etudes Créoles (CIEC), fondé en 1976 à Nice (date du 1er Colloque International des Etudes Créoles) regroupe des créolistes d'origine fort diverse, élus précisément par leurs pairs en fonction de la diversité des points de vue, des théories et des mondes créoles qu'ils sont susceptibles de représenter.

Le 1er Comité se compose de :

En 1996, à la Guadeloupe, le Comité plusieurs fois renouvelé depuis l'origine, ne serait-ce qu'en raison de nombreux décès qui l'ont frappé, est composé de :

Le GEREC, Groupe d'Etudes et de Recherche en Espace Créolophone, de l'Université des Antilles Guyane, d'abord intitulé "Groupe d'Etudes et de recherches de la créolophonie", a eu pour visée, depuis son origine, le développement du créole écrit : textes théoriques, productions de vocabulaires innovants dans le cadre de la théorie de la "déviance maximale" (Jean Bernabé), publications en créole, etc.

Le GEREC a publié la revue Mofwaz (4 numéros parus entre 1977 et 1984) et 8 numéros de la revue Espace créole (le dernier datant de 1994).

Dans le cadre des travaux du GEREC, a pris naissance le concept de créolité, dont les spécificités ont été développées notamment dans Eloge de la créolité, manifeste rédigé par Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant (publié chez Gallimard en 1989).

Le groupe "Bannzil Kréyol" est né lors du 3e colloque International des Etudes Créoles à Sainte-Lucie, en 1981, certains créolistes natifs s'avisant alors que le créole était beaucoup plus pour eux qu'un simple objet d'étude et qu'il convenait d'entrependre également une défense du créole, de chercher à le développer dans leurs pays respectifs. L'ambiguïté du propos, au-delà de sa légitimité, est liée aux différences entre les langues créoles parlées par les créolophones natifs regroupés dans une telle association, et à la difficulté de poser des actions quand les situations créolophones sont aussi diverses. Le nom même de "Bannzil kréyol" révèle ces problèmes puisqu'il est composé du vocable permettant de parler de plusieurs îles dans l'océan Indien (en fait du terme utilisé pour désigner un "archipel") : le pluriel "bann" étant accolé à "zil" ; et du mot "kréyol" utilisé dans la Caraïbe pour dire "créole". Cette expression est donc, comme le groupe composé de créolistes natifs de la Caraïbe, de l'océan Indien ou de la diaspora, un conglomérat un peu curieux.

Le premier objectif du groupe en question a été la mise en place d'une "Journée internationale du créole" qui perdure toujours. La détermination de la date fut d'abord extrêmement délicate, la date d'abolition de l'esclavage que l'on songeait à utiliser, n'étant nulle part la même en raison des délais pour la transmission du décret dans les diverses colonies. Il n'était pas non plus question d'utiliser la date du décret en France qui aurait marqué une dépendance par rapport à la métropole. On décida donc de retenir le 28 octobre parce que cette date avait été précédemment retenue par les Dominicains pour célébrer un "Creole Day". La première "Journée Internationale du créole" a été célébrée en 1983, de façon assez désordonnée. Toutefois, d'année en année, la mise en oeuvre de cette journée s'est améliorée et est, dans certains pays, l'occasion de manifestations tout à fait significatives et intéressantes

Les membres du groupe, à l'origine, sont en principe "créolistes", c'est-à-dire spécialistes des créoles, mais "natifs" - c'est là le trait le plus fondamental qui est à l'origine de leur association : ce groupe veut d'ailleurs, dès l'origine, affirmer la spécificité d'une créolistique native, certains d'entre eux contestant même le droit à des non-natifs de s'intéresser aux divers créoles. Il faut dire qu'en 1981 (année de naissance de Bannzil), les grands noms de la créolistique de domaine français sont Albert Valdman (Professeur à l'Université d'Indiana), Robert Chaudenson (Professeur à l'Université d'Aix-Marseille), Guy et Marie-Christine Hazaël-Massieux (également à l'Université d'Aix-Marseille), Annegret Bollée (Professeur à l'Université de Bamberg, en Allemagne). Il faudrait encore citer Philip Baker et Chris Corne (le premier à Londres, le deuxième en Nouvelle-Zélande), Pierre Cellier et Michel Carayol (à la Réunion), Alain Bentolila (à Paris V), Robert Le Page, ou encore Andrée Tabouret-Keller (à l'Université de Strasbourg), pour se contenter de quelques noms.

Mais bien sûr, à cette époque déjà sont également connus et appréciés dans les études créoles des "natifs", comme Jean Bernabé, Lambert-Félix Prudent, Lawrence Carrington, Mervyn Alleyne et quelques autres qui précisément vont structurer autour d'eux le groupe Bannzil, dans lequel on trouvera rapidement des militants de la cause créole, qui ne sont pas directement des « créolistes » mais des enseignants, des journalistes, etc.

Désormais de temps à autres, le groupe est réévoqué à l'occasion d'une rencontre ou d'une publication (un numéro du Journal de l'UNESCO a été publié en créole il y a quelques années), mais il semble ne plus organiser les rencontres annuelles régulières qui ont marqué les premières années de sa jeune existence.

Pour un historique complet, on se reportera à la thèse d'Ellen Schnepel, 1990, « The politics of language in the French Caribbean : The Creole movement on the island of Guadeloupe », Columbia University, p. 261 sq.

Ledikasyon pu Travayè

Ledikasyon pu Travayè (LPT) est d’abord un groupe militant, se réclamant du marxisme, constitué de membres de la haute bourgeoisie indo-mauricienne. Il tient des positions clairement francophobes et prône le développement du créole, supposant sans doute qu’ainsi le français perdra de son importance. Ce militantisme en faveur du créole a amené le groupe depuis les années quatre-vingts non seulement à publier de nombreux ouvrages ou journaux en créole (il existe un périodique Revi Lalit, ainsi qu’une Gazet Lalit et une Revi literer, à la périodicité plus réduite), mais également à servir de maison d’édition pour de nombreux auteurs créolophones, d’Henri Favory à Dev Virahsawmy, en passant par Richard Etienne ou Krishna Somanah, ainsi que beaucoup d’autres auteurs moins connus en-dehors de Maurice. Le groupe organise aussi à l’occasion des concours littéraires et il a rédigé, en 1985, un Diksyoner kreol - angle, 249 p., publiant également en 1990 (l’auteur étant K. Goswami Sewtohul) un Diksyoner kreol / bhojpuri, 126 p. Le groupe publie encore des brochures politiques en créole, et parfois en anglais (Introduction au marxisme...) ou des documents pour l’éducation populaire : Gid medikal, brochure sur la drogue ou sur diverses autres questions, comme par exemple la façon d’écrire le créole.